"Les Saules" de Mathilde Beaussault : autopsie d'un roman noir
Publié le 04-06-2025 14:42:15 Modifié le 04-06-2025 17:07:41
Mathilde Beaussault a remporté l’édition 2025 du Prix du roman tmv avec « Les Saules », polar rural et âpre dans la campagne bretonne. Rencontre avec une autrice plus que prometteuse.
Marie, elle aimait vivre. À 17 ans, elle faisait tomber les garçons comme des mouches. Elle aimait flirter, les aventures, s’émanciper. Trop, d’après certains. Mais un jour, Marie est retrouvée morte. Assassinée. Étranglée. Là où s’est passé le crime, en pleine campagne bretonne, personne n’a rien vu. À part une petite fille quasi-mutique, la petite Marguerite qui, elle, était fascinée par Marie.
Car contrairement aux autres, Marie ne la martyrisait pas, ne la moquait pas, ne la harcelait pas comme ses camarades à l’école.
Avec pareille trame, tous les ingrédients sont là pour faire du premier roman de Mathilde Beaussault, « Les Saules » (éditions Seuil), le parfait polar. Le mot est lâché. Pourtant, « Les Saules » est plus qu’un polar, justement. C’est un roman noir, rural, âpre. Une peinture sociale, authentique. « Je suis d’accord, c’est assez dur à définir, convient l’autrice. Car j’ai du mal avec les catégories et les frontières, j’aime rester dans la nébulosité. Mon livre est un objet non identifié. »
Une plongée dans la campagne bretonne
C’est ce qui fait tout l’intérêt de cet ouvrage. Ici, on part à la rencontre des taiseux, des taiseuses. Dans ce village où s’est passé l’horrible meurtre, il y a les non-dits, les silences. Mathilde Beaussault le dit : « C’est l’histoire de deux silences, oui. Celui de Marie, sauvagement assassinée et celui de la petite Marguerite qui semble détenir bien des clés, mais qu’on ne laisse pas parler. »
Dans ce huis clos cruel, on sent aussi cette séparation, avec ceux d’en haut et ceux d’en bas. Les riches, les citadins face aux fermiers, bourrus, ceux qui veulent garder leurs terres. « Je suis née en Bretagne, dans les Côtes d’Armor, dans les terres, dans un petit village. Mes parents étaient agriculteurs et nous vivions en lisière de forêt », rappelle Mathilde Beaussault, pour expliquer la genèse du projet. Elle qui réside désormais à Angers et enseigne le français poursuit : « Le fait d’être d’origine bretonne, de connaître le coin m’a donné une force. Ça s’est imposé à moi. Ce lieu-là, c’est un ancrage autobiographique. »
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De fait, « Les Saules » est très visuel. Tout y est parfait décrit, l’atmosphère est là, oppressante, étouffante. Tout est gris, sert parfaitement l’intrigue. La plume de Mathilde Beaussault, incisive et cinématographique, permet une large galerie de personnages aussi intéressants que complexes. Dans la vie et dans « Les Saules », rien n’est tout blanc ou tout noir.
Mais de tous ces protagonistes, c’est évidemment celui de Marguerite qui retient l’attention, touche en plein cœur. Attachante au possible. « Comme je n’avais pas de plan d’action lors de l’écriture, j’ai commencé par Marguerite (un nom emprunté à celui de sa grand-mère maternelle – NDLR). Elle se construit avec mes souvenirs et ce dont j’ai été témoin. J’ai connu des petites Marguerite. Je voulais les rhabiller avec une certaine tendresse, elles qui étaient nues sous les quolibets. »
Un succès critique
Depuis sa sortie au début de l’année, « Les Saules » a donc fait son bonhomme de chemin. Mis en lumière par Augustin Trappenard, présentateur de l’émission « La Grande Librairie », récoltant de très bonnes critiques par le public, il vient également de remporter le Prix du roman tmv 2025. Un succès qui surprend Mathilde Beaussault : « Je suis estomaquée. Je pensais n’en vendre que douze ! (rires) Mais que ça vienne de mes tripes et que ça puisse toucher des gens me bouleverse. »
Cette grande amoureuse de Marguerite Duras, Stefan Zweig et Ron Rash s’est lancée à son tour à 40 ans et a mis près d’un an à écrire ce premier roman. « Car je travaillais à temps plein en même temps et j’avais mon petit âgé de 4 mois. Alors j’écrivais pendant ses siestes ! » Reste donc à imaginer l’après.
Et pour Mathilde Beaussault, l’avenir est bien plus clair que la noirceur des textes ! « Effectivement, j’ai déjà un deuxième roman prévu, sourit-elle. C’est écrit, fait et corrigé. Je suis prudente sur la date de parution, mais on m’a dit début 2026. » Un roman dans la même veine que son coup d’essai ? « Hmm… Je peux vous dire que c’est estampillé Seuil Noir, ce sera âpre, mais… je ne peux pas tout révéler ! », répond-elle en riant. Pas de doute, Mathilde Beaussault est une écrivaine sur qui il va falloir compter ces prochaines années.
Aurélien Germain
> Mathilde Beaussault sera en dédicace à Cultura Chambray-lès-Tours, samedi 14 juin 2025, de 10 h à 12 h 30.
> Séance dédicace également le vendredi 13 juin à bord du train Tours-Blois (départ 14 h 56) et du Blois-Tours (départ 16 h 16). 50 exemplaires seront distribués gratuitement aux passagers.
(Merci aux partenaires du Prix du roman tmv : Cultura Chambray-lès-Tours, SNCF Voyageurs, Galeries Duthoo, Fil Bleu, Océania L’Univers)