Chroniques BD : on a lu "IVG, à nos corps libres" et "Quiproquos"
Publié le 18-09-2025 15:37:02 Modifié le 16-09-2025 15:44:20
IVG : à nos corps libres
Réalisatrice et autrice, Léa Bordier avait déjà produit le documentaire « IVG, le droit d’en parler ». Cette fois, accompagnée de Marjorie Demaria, elle propose une version BD du sujet, avec « IVG : à nos corps libres » (éd. Delcourt). Porté par quatre dessinatrices (Edith Chambon, Violette Bénilan, Lucymacaroni et Anne-Olivia Messana), cet ouvrage aussi passionnant qu’important retranscrit huit récits intimes issus de témoignages réels de femmes ayant avorté.
Il y a l’histoire de Geneviève, qui l’a vécu dans les années 50, il y a Samia, 18 ans ou Sophie, 38 ans, il y a Charlotte, 30 ans tombée enceinte en plein Covid… Des profils différents pour des expériences et des vécus qui le sont tout autant.
En lisant leurs histoires, on a parfois la gorge serrée : les jugements d’inconnus, comme au laboratoire pour la prise de sang, ou encore ce médecin qui crie « je ne sais pas si vous avez bien conscience de la situation dans laquelle vous vous êtes mise, jeune fille !? Moi j’appelle ça de l’INCONSCIENCE ».… Un témoignage alors résume parfaitement l’ensemble, lorsqu’une femme dit : « J’avais peur, j’avais honte, j’étais seule et nous étions pourtant si nombreuses. »
« IVG : à nos corps libres » se termine sur la citation malheureusement on ne peut plus actuelle de Simone de Beauvoir : « N’oubliez pas qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Une bande dessinée poignante, d’intérêt public, à mettre entre toutes les mains.
Aurélien Germain
Quiproquos – l’existence ridicule
Les éditions Delcourt continuent, à travers leur collection Pataquès, de nous offrir une tripotée d’albums tordants (la série des « Dialogues » de Karibou ou encore « Les Envahichieurs » de Dubuisson…). Nouveau voyage dans l’absurde avec, cette fois, « Quiproquos – l’existence ridicule », signé Constance Lagrange au dessin et au scénario.
Sur une centaine de pages, la bédéiste décline tout autant de gags, où tout se joue sur les dialogues. Des mésententes, des malentendus, des jeux sur les mots (la présentatrice météo qui dit : « Aujourd’hui, le ciel sera comme mon ex. Bien dégagé. ») et sur les situations de tous les jours, « Quiproquos » vise juste quasiment tout le temps et entretient un humour WTF et absurde qu’on adore.
Des exemples au hasard ? La conversation entre un médecin et son patient : « J’ai vos résultats. Vous avez un cancer et un Alzheimer », « Bon ça va… au moins je n’ai pas de cancer » ou encore ce genre d’échanges : « Vous demandez un salaire très élevé pour quelqu’un qui n’a aucune expérience » « Justement : comme je n’ai aucune expérience, le boulot va être super dur pour moi ! »… et « Parfois, je ne supporte pas mes enfants » « Ne t’inquiète pas, c’est normal, ça m’arrive aussi. Je ne supporte pas tes enfants non plus. »
Une bulle d’air comique, bête mais drôle ; une BD divertissante.
Aurélien Germain
Sélection du mois en vrac…
Adapté du livre de Johann Chapoutot et mis en scène de manière magistrale par Philippe Girard, « Libre d’obéir » (éditions Casterman) est un formidable ouvrage sur les méthodes de management de Reinhard Höhn, juriste nazi qui théorisa l’autonomie sous contrôle, et de ses dégâts jusqu’en 2025.
Des dégâts que l’on observe dans des pans entiers de notre société et notamment l’hébergement d’urgence sur lequel s’est penché Marc Pichelin. Sous le crayon de Troubs, « Portraits nomades » (Ouïe Dire) pose un regard sensible sur les délaissé(e)s de ce monde.
Un monde qui ne tourne décidément pas rond dans « Dewi et ses sœurs » (Albin Michel), où Serge Legendre nous emmène dans un récit d’anticipation écologique haletant et profondément humaniste, sublimé par la virtuosité graphique de Yann Legendre.
Et quand tout va mal, pourquoi ne pas se tourner vers la bienveillance comme dans le premier tome de « Jakobs » (Ankama) : Mud et Zheping construisent un récit particulièrement malin sur les mécanismes de l’emprise et de la dérive sectaire dans une petite ville de Louisiane.
Heureusement, « L’Amour entre les lignes » (Delcourt) de Hirota remet un peu de baume au cœur dans ce manga qui sort un peu du cadre. Ce boy’s love doux et tendre, mais jamais niais ni fleur bleue, nous démontre que l’écriture d’un journal intime peut avoir une fin heureuse.
Hervé Bourit