CCNT : la danse en partage
Publié le 10-05-2017 08:11:18 Modifié le 05-04-2019 16:39:46
Depuis le mois d’octobre à Tours, 17 danseurs amateurs créent une oeuvre collective. Une aventure artistique et humaine encadrée par la chorégraphe Claire Haenni.
D’un pas tranquille, une femme s’avance sur scène en chantonnant. Rejointe par une autre, puis encore une autre… Bientôt, seize danseurs forment un cercle au milieu de la scène. En son centre, un tas de vêtements jonche le sol. Les artistes y puisent tantôt une jupe grise, tantôt une tunique verte. Se déshabillent, se rhabillent, puis se dévêtissent à nouveau, tout en chantant en chœur. Soudain, un grondement de tonnerre retentit. Changement d’ambiance. Musique dramatique. Une femme tombe à terre. D’autres courent, affolées. Même les vêtements, lancés tels des projectiles, deviennent menaçants. C’est la guerre. Puis le silence, sombre et lourd de sens.
Ce samedi-là au Centre chorégraphique national de Tours (CCNT), les danseurs de l’atelier chorégraphique filent leur spectacle. Dans un mois, ce sera la grande première. Ils sont 17 amateurs, 15 femmes et 2 hommes, à vivre une expérience unique en son genre : participer à une création collective avec un chorégraphe professionnel. « Une aventure à la fois humaine et artistique, qui les propulse dans l’univers d’une compagnie.
Ils vivent un processus riche de joies, de doutes et de pleurs », rapporte Emmanuelle Gorda, l’assistante. Le stage, renouvelé chaque année depuis l’arrivée en 2012 de Thomas Lebrun à la tête du CCNT, a été successivement dirigé par Christian Ubl, Odile Azagury, Thomas Lebrun lui-même, puis Pascale Houbin. Cette année, Claire Haenni s’est lancée dans l’aventure. Sa volonté : transmettre l’héritage du chorégraphe Jacques Patarozzi, « un maître un peu oublié », dont elle a longtemps été l’une des interprètes et qui a marqué sa carrière : « J’ai suivi ses cours pendant 20 ans et passé 15 ans dans sa compagnie. C’est un pédagogue extraordinaire, qui a trouvé comment faire exprimer une danse à la fois théâtrale et lyrique. »
Pour Claire Haenni, l’enjeu n’est pas dans la technique. C’est avant tout un travail de groupe et d’écoute. « J’ai choisi des personnes suffisamment “ réveillées ” pour comprendre ce qui se joue dans le groupe et construire collectivement. Tout le monde n’a pas ce talent-là », souligne-t-elle. La sélection passée, les stagiaires se sont retrouvés un week-end par mois pendant 8 heures.
Au programme : transmission de l’héritage de Jacques Patarozzi, apprentissage de morceaux de chorégraphies, improvisations… Un travail sur le corps, mais aussi la voix et l’écriture. La bande-son est composée de textes écrits et lus par les danseurs : « envie de partir, repartir », « monter, s’alléger vers le ciel qui danse tout en haut »… Le thème de leur création : le voyage, la migration… « Une envie de fuir, de se dégager du quotidien. Ils m’ont parlé de mer, de vent, d’oiseau…Ils forment une communauté en voyage », décrit Claire Haenni, qui laisse une grande place à l’improvisation. Sur 45 minutes de spectacle, seules 15 minutes sont écrites. Pas facile d’improviser une demi-heure sur scène face à un public.
La confiance entre en piste
Le groupe a traversé des périodes de doute. Au creux de la vague, il a fallu les aider à repartir, retrouver la magie des débuts. Ce samedi de mai, après un premier filage, la chorégraphe multiplie les encouragements : « La première partie était très belle. Vous voyez, ça prouve bien que vous en êtes capables ! Il y a eu des moments collectifs, d’autres solidaires, du vide également. Laisser du vide, c’est important aussi, conseille-t-elle. Et si vous vous trompez, ce n’est pas grave, ne vous affolez pas. Vous allez être de plus en plus à l’aise, et vous ferez le mouvement à votre manière. »
Une chose est sûre, les danseurs apprécient l’expérience : « J’aime sa dimension collective. C’est une belle aventure humaine. Chacun avance et nourrit le groupe à sa manière, sans aucun jugement », apprécie Pascale, 56 ans. Une atmosphère bienveillante, qui semble permettre à chacun de se sentir à l’aise et de donner le meilleur de lui-même.
Texte et photos : Nathalie Picard
PAROLES DE DANSEUSES
-« La danse, pour moi, c’est tout ce qui compte ! Elle évoque la rencontre, le partage… Un moyen de s’exprimer sans utiliser de mot. La danse contemporaine me permet d’aller toujours plus loin car elle ne connaît aucune limite. Je suis en recherche perpétuelle. » Lila, 18 ans
-« La danse, c’est le langage premier. Celui qui permet de communiquer partout, avec n’importe qui. Pour moi, elle est un besoin vital, de l’ordre de la respiration. Impossible d’imaginer ma vie sans danser. J’ai pris mon premier cours à 4 ans et depuis, je ne me suis jamais arrêtée. » Emmanuelle, 48 ans
-« Ici, nous dansons sans masque, face à nous-même. Cette danse-là est thérapeutique. Elle nous révèle qui nous sommes et nous permet de mieux nous comprendre. Elle fait écho à notre propre chemin de vie. Aussi, elle renvoie le spectateur à son histoire personnelle. Il y a beaucoup d’émotions et d’humanisme. » Pascale, 56 ans
>>TOURS D’HORIZONS
À l’occasion du festival de danse Tours d’horizons, vous pourrez découvrir la création des danseurs amateurs. Leur spectacle, intitulé « Ils sont là, avec leurs deux bras qui sont des choses inséparables d’eux », sera présenté à deux occasions, les 14 et 15 juin à 19 h au Centre chorégraphique national de Tours. Du 10 au 23 juin, Tours d’horizons sera l’occasion de remettre sur le devant de la scène des figures majeures de l’art chorégraphique un peu oubliées. Au programme, 16 compagnies invitées et 26 rendez-vous dans divers lieux tourangeaux, du prieuré de Saint-Cosme au musée des Beaux-Arts.
Pour en savoir plus : 02 18 75 12 12 – billeterie@ccntours.com – www.ccntours.com