Et le Prix du roman tmv 2025 est attribué à...
Publié le 21-05-2025 08:22:14 Modifié le 19-05-2025 16:28:39
C’est Mathilde Beaussault qui remporte donc le Prix du roman tmv 2025 avec « Les Saules », roman noir social au goût de polar. Avant l’interview de la lauréate dans notre prochain numéro, retour sur les coulisses de la délibération...
« Ils sont encore quatre, mais il n’en restera qu’un… » Non, ce n’est pas l’épreuve finale de Koh-Lanta et non, ce n’est pas Denis Brogniart qui vous parle. Jeudi 15 mai, au lieu d’une plage avec des aventuriers affamés, nous sommes plutôt à l’Hôtel Océania L’Univers à Tours, entourés de la team tmv, de nos fidèles partenaires et d’un jury de lecteurs de tmv.
Objectif de ce repas de délibération : choisir qui, parmi les quatre primo-romans suivants, atterrit à la première place du podium.
Les Saules, de Mathilde Beaussault
Premier ouvrage à passer à la casserole, « Les Saules » de Mathilde Beaussault (éditions Seuil) Plus qu’un simple polar âpre, il s’agit d’un roman noir, social, plongé dans la campagne bretonne où a eu lieu un meurtre. Aucun coupable en vue, pourtant la petite Marguerite, quasi mutique et souvent martyrisée, a vu quelque chose… Lors du tour de table, Maxime (jury lecteurs) confie : « De base, c’est le livre dont j’avais le moins envie, car on peut vite tomber dans les clichés, mais… c’est mon roman préféré ! Le côté choral m’a plu, le personnage de la petite fille m’a beaucoup touché ».
Élisabeth (romancière qui a aussi jadis travaillé pour tmv, c’est donc une bonne personne) avait aussi « peur du cliché, mais l’autrice évite totalement cet écueil ». Marie (partenaire SNCF), a adoré, et retient « des personnages féminins très réussis ». Geneviève (partenaire Océania – L’Univers) le place « en numéro un. On y découvre les villageois, les silences, les amitiés, les rancoeurs. Il y a beaucoup de sensibilité ». Céline (partenaire Fil Bleu et autrice de « Mon journal intime de PMA » paru en décembre dernier) a trouvé le début laborieux. « Mais j’ai eu un déclic et j’ai fini par dévorer le livre. J’ai eu tant d’empathie pour le personnage de Marguerite. Et il y a une sorte de girl power à la fin. »
C’est aussi le préféré de David (partenaire Cultura) pour qui Les Saules est « un roman rythmé, la maîtrise textuelle est là. Ici, l’enquête n’est pas le plus important, c’est un prétexte pour le cadre et la sociologie ». Un emballement moindre pour Vanina (jury lecteurs) et Myriam (NR Communication) qui regrettent « les longueurs ».
Quant à Manon (NR Communication), elle qui « déteste les polars » a pourtant fini par apprécier la lecture.
La Descente à la plage, d’Alexis de Moulliac
« La Descente à la plage » d’Alexis de Moulliac (éd. Buchet Castel) est très justement qualifié de « petit ovni » par Vanina. Dans ce premier roman décalé et singulier, Dario, un misanthrope, venu s’isoler sur l’île de Panarea se retrouve par un jour caniculaire sans eau dans sa chambre, ni… nulle part ailleurs.
Difficile d’en dire davantage sous peine de tout divulgâcher, comme diraient nos amis québécois, mais l’ouvrage n’a pas fait de vagues. David n’a pas du tout aimé : « C’est trop survolé. Pourquoi éditer ça ? L’auteur passe à côté de son texte ». Le vil journaliste qui écrit ces lignes a beaucoup apprécié les premières pages, mais s’est vite retrouvé à la peine dans « cet espèce de trip sous LSD peu compréhensible et trop perché ».
« Trop abstrait » aussi pour Myriam qui se réjouissait pourtant de cette lecture qui ne l’a « finalement pas marquée ». « Je suis déçue, dit Élisabeth. Ça avait l’air particulier, mais ça part en vrille, il mise tout sur l’écriture. »
Qu’on se rassure, des voix contraires s’élèvent : Manon l’a lu d’une traite, Vanina le décrit comme « original et frais ». Michelle (maman de Marie) a aimé « que ce soit riche de symboles ». Trop pour Céline : « C’est plein de paraboles. L’auteur parle pour lui. On n’a pas le décodeur ! Si quelqu’un a une analyse de texte, je prends… »
Le Livre de Joan, de Paul Thurin
En 1318, une nonne décide de s’évader de l’abbaye où elle est cloîtrée depuis l’enfance. Pour ce faire, elle simule sa mort, point de départ d’une quête qui la mènera vers la liberté. Paul Thurin s’est inspiré d’une histoire vraie pour écrire « Le Livre de Joan » (éd. Stock).
Marie a détesté : « Donc je n’ai pas pu continuer » et Michelle déçue : « Et c’est rare que je n’accroche pas à un roman ». Comme dirait Denis Brogniart : Aïe ! Ça commence mal, mais Élisabeth nuance : elle pense qu’elle en attendait trop. Pour elle, « la première partie (celle sur la préparation de l’évasion) est géniale, mais la deuxième est décevante ». David pense de même : « L’auteur y maîtrise moins son texte. Mais ça reste un bon moment de lecture. »
Maxime trouve également le roman « mal dosé » avec cette seconde partie « où le narrateur devient omniscient d’un coup ». En revanche, pour Geneviève, Vanina et l’inénarrable Jacques (partenaire Duthoo), ce qui plaît c’est bien cette autre partie du roman quand Joan retrouve la liberté. Pour Céline, « on s’attache beaucoup aux personnages, c’est hyper bien décrit, ça m’a donné envie de le voir en film ».
Le toujours vil journaliste qui rédige cet article ira d’ailleurs jusqu’à faire un parallèle capillotracté mais incompris de tous entre ce roman et Game of Thrones (les intéressés pourront m’écrire par pigeon voyageur pour en savoir plus). « Je n’ai pas du tout aimé, c’est atypique, mais bien trop long, avec une fin qui me frustre », dit Manon, brandissant sa cuillère alors que le jury entame le dessert, prête à en découdre pour défendre son favori qui arrive. J’ai nommé…
Les Bouchères, de Sophie Demange
C’est donc lui, « Les Bouchères » (éd. L’Iconoclaste) de Sophie Demange qui a tapé dans l’œil de Manon qui lui décerne immédiatement son coup de cœur. « J’ai adoré. Je l’ai lu en premier en raison de sa couverture, de son aspect féministe poussé, de son résumé ». Auto-présenté comme « roman féministe explosif », il raconte l’histoire de trois femmes au caractère bien trempé, au passé cabossé plein de secrets, qui reprennent la boucherie du quartier mais finissent par devenir louches, le jour où plusieurs notables disparaissent mystérieusement…
« J’ai a-do-ré ! », s’exclame Vanina qui a « dévoré ce bouquin. C’est poussé à l’extrême, mais c’est un roman. Ces bouchères tuent, mais ça ne m’a pas choquée, j’étais… dans leurs tripes ! » Tandis que le jury salue ce jeu de mots, Jacques offre aussi son coup de cœur, tout comme Céline : « J’ai adoré, ça fait passer un bon moment et fait penser à la série “ You ”. »
David, qui concède avoir aimé le récit, enchaîne : « C’est limite clicheton. J’ai peur de l’intention de l’éditeur ou de l’autrice. Où veut-on en venir ? Et si ça desservait la cause féministe ? » Sortant sa tronçonneuse, Elisabeth tranche dans le lard : « Pour moi, c’est une imposture ! » Outch. « C’est drôle, malin, mais que de clichés… ! Le style ? Je n’ai pas accroché. Il n’y a pas de maîtrise. »
Maxime, qui juge le roman « au style très cinématographique », a trouvé « rigolo ce parallèle entre les hommes et les porcs ». Pour Myriam, « c’est dommage, il aurait fallu que ce soit plus loufoque ou plus réaliste. Là, c’est partagé, ça ne marche pas, et pour moi ce n’est pas la définition du féminisme ». Marie souffle : « Ça manque de nuance. On a tous les clichés sur les hommes ! C’est fluide à lire, mais ça n’a pas la force de frappe d’une Virginie Despentes. »
Le verdict
« Les Bouchères » a donc divisé l’assemblée, mais c’est bien lui qui s’est retrouvé lors du vote final, face à « Les Saules » qui le devance de peu. Deux romans noirs, chacun à leur façon, au coude-à-coude. Après un ultime vote et une horloge rappelant dangereusement que « eh oh y en a qui bossent, va falloir se décider », le primo-roman « Les Saules » de Mathilde Beaussault reçoit donc le Prix du roman tmv 2025 !
Aurélien Germain