Quelques heures dans la vie d'une sage-femme libérale

Publié le 11-03-2014 15:11:44 Modifié le 11-03-2014 15:11:44 Par tmv

Les sages-femmes travaillent aussi en libéral. Reportage avec Marie-Ange Benoit qui exerce ce métier entre Tours et Chinon.

Marie-Ange Benoit, dans son cabinet. (Photo tmv)

Il y a des vocations, comme ça, qui ne vous quittent jamais. Petite, Marie-Ange Benoit adorait rentrer dans une maternité, son ambiance. Travailler au contact des enfants, cette idée de carrière ne l’a jamais quittée. Puéricultrice ? Au collège, elle décide : elle sera sage-femme.
Installée dans son cabinet, dans le quartier des Deux-Lions, Marie-Ange Benoit reçoit plusieurs patientes par jour. « Depuis quelques années, nous avons le droit de faire le suivi gynécologique des femmes, de leur adolescence à leur ménopause. Le grand public n’est pas encore très informé, les femmes ne savent pas vraiment qu’elles peuvent venir nous voir pour une visite courante, sans passer par un gynécologue ou un médecin traitant. Nous sommes là pour dépister les pathologies, en prévention. Dès qu’un problème se présente, je les dirige vers le médecin compétent. En Angleterre, le système est différent, une sage-femme suit une patiente pour qu’elle ne voit qu’un seul référent. » Marie-Ange Benoit s’inspire beaucoup de cette pratique anglo-saxonne.
De A à Z
Elle est une des rares sages-femmes libérales à proposer un suivi global lors d’une grossesse. Les patientes qui le choisissent ne voient qu’elle, de la déclaration de grossesse jusqu’à l’accouchement. Marie-Ange Benoit a passé un accord avec l’hôpital de Chinon pour avoir accès à la salle de naissance. Elle a même participé à la création d’une salle nature, où l’équipement médical est restreint au minimum pour que l’accouchement se passe le plus physiologiquement possible.
Consultations
La sonnette de son cabinet sonne, Emilie (tous les prénoms ont été changés) rentre. C’est la première patiente de l’après-midi. Les rayons du soleil printanier illuminent la pièce. La jeune femme a le ventre un peu rebondi. Elle parle de ses premiers mois de grossesse avec un petit sourire. Marie-Ange Benoit pose des questions calmement. L’alimentation ? Le stress ? Le travail ? Tout a l’air de bien se passer. La sage-femme note les réponses avec beaucoup de soin. Pas forcément liées au médicale, ses interrogations sont également sur le bien-être de la femme, de son couple, du père. « Il ne faut jamais oublier le papa, il fait aussi partie du processus. Si lui a des problèmes vis-à-vis de la grossesse, de l’accouchement ou dans le couple, on peut avoir des complications. » Marie-Ange Benoit ne laisse rien au hasard. Un passage sur la table d’occultation pour vérifier que le développement se déroule bien, Emilie se rhabille. La visite aura duré une heure.
A l’extérieur
Après plusieurs patientes vues dans son cabinet, Marie-Ange Benoit remet son manteau, prend ses clés de voiture : sa journée de travail continue, mais à l’extérieur. « J’ai beaucoup de patientes qui ne peuvent pas se déplacer, pour éviter de prendre des risques. » Elle quitte le quartier des Deux-Lions pour aller à Joué-lès-Tours. La sage-femme sonne à l’entrée d’un immeuble, monte un étage. C’est Jeanne qui ouvre. Cette jeune maman ne doit pas trop se déplacer. Sa première grossesse a été compliquée, alors par précaution, elle a fait appel à Marie-Ange Benoit pour des visites à domicile. L’examen se déroule bien, aucun problème détecté. Des dessins animés tournent en boucle dans le salon, le jeune fils de Jeanne est assis dans son siège surélevé et s’amuse avec un paquet de gâteaux. Il rigole. Sa maman se détend.
Donner la vie, accepter la mort
Les actes de la sage-femme sont remboursés. Pas la peine de passer par un médecin traitant. « Je demande juste un supplément pour l’accompagnement global. Je dois sacrifier une partie de ma vie privée, pour être à moins de 30 km de Chinon quand je sais qu’une de mes patientes est dans sa dernière période de grossesse. » Le métier de sage-femme n’est pas toujours rose. « Dès mes premiers stages, j’ai vu des couples perdre leur enfant. Même si le bébé est mort-né, il faut quand même pratiquer l’accouchement. Ça fait partie du métier. Il faut affronter ce genre de situation, faire face à sa manière. Je me rappelle d’un couple dont l’enfant avait très tôt été diagnostiqué d’une trisomie non viable. Il a fallu faire sortir cet enfant déjà mort. L’équipe autour de moi s’est blindée, leurs visages se sont fermés. Moi, j’ai pleuré avec les parents. J’avais chauffé des petits vêtements pour habiller le nouveau-né décédé. Je ne voulais pas que la maman serre dans ses bras un corps froid. Je souhaitais qu’elle sente un peu de vie. Je dois rentrer en empathie avec mes patientes. Je suis une professionnelle, mais ça ne m’empêche pas d’être humaine. »

Tags : libérale marie ange benoit profession reportage sage-femme Tours

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