Rayons Chauds, Rayon Frais en bord de Loire

Publié le 07-07-2014 15:19:33 Modifié le 05-04-2019 16:40:43 Par tmv

Chaque semaine, Doc Pilot nous fait redécouvrir Tours sous l'angle culture.

Jonny Lang à Avoine.

La biennale Rayon Frais est un rendez-vous incontournable et attendu pour les amateurs de surprises visuelles, auditives, sensitives. Une plongée sans bouteille dans la création abrupte et sans compromis, un voyage exotique vers des terres oubliées au fond de nos rêves, un bon moyen d’oublier un temps la réalité et revenir au quotidien, armé de toutes ses images. Pourtant la performance de Sophiatou Kossoko en Arcades Institute prend racine dans une réalité exacerbée, ne laissant guère de place à l’illusion et au rêve. La force du verbe et la charge des mots est toute en force et en attaque, de l’incarnation visuelle du geste à la danse codée : une voie impossible à quitter avant la fin du voyage…
Au pot d’ouverture du Festival le Quatuor Machaut balance des vagues d’harmonies cuivrées, perché dans la Tour Charlemagne, vers une audience d’acteurs locaux désireux de signaler leur présence à la nouvelle couleur en place et impatients de boire un coup car il fait chaud… Au top de Christine Beuzelin, les goulus et les soiffards massacrent le buffet, comme à l’habitude ; Serge Babary arrive après la bataille et discute à la cool avec les trainards : les quémandeurs sont déjà parti hi hi…
Bœuf blues en Arcades Institute : un peu fiesta de fin d’année pour des prestations de potes en demi-teinte. Jack Cigolini et Patrick Filleul mènent le bal avec l’humilité des grands, mais quand Christiane Grimal entame « summertime », ça joue vraiment et tout s’enflamme… Autre américaine, autre temps, triste destin : tombé dans Karen Dalton j’ai du mal à écouter autre chose : Billie Holidays me sauve in extremis de la noyade…. Dominique Mureau est décédé d’une crise cardiaque foudroyante en plein Ile Simon/Mode d’Emploi ; ça s’appelle « mourir sur scène » et ça fout un choc. Je l’aimais bien cet artiste photographe aux yeux pétillants d’intelligence, au feeling apaisant et apaisé…
En route pour le festival Avoine Zone Blues où se joue, paraît-il, une sorte de guéguerre locale à la Pépone/Don Camillo ; peu nous importe car pour nous c’est « tout pour la musique »… Pillac balance son nouvel album très rythm and blues (serait ce l’effet Ben, beaucoup d’artistes filant dans cette niche ?), c’est bien mais guère innovant ; je le préfère quand il revient au blues… La tête d’affiche Jonny Lang incarne l’excellence avec un quintet de virtuoses au service d’une sorte de rocksoul osant le subtil mariage de l’émotion et de la technique ; lors d’un des solos de guitare du jeune prodige j’ai physiquement « le frisson » ; la version allongée du « livin for the city » de Stevie Wonder restera dans les mémoires. Jonny Lang, remet les pendules à l’heure, confirme une fois de plus que la technique n’est rien sans l’âme et l’amour du public mais aussi que les ricains seront toujours les plus forts dans le style … La France n’est pas qualifiée ; pas grave Le Tour de France arrive…
Aller au Festival Les Courants à Amboise, c’est comme partir en vacances ; se poser à l’île d’Or c’est déconnecter de la vie courante, se donner du temps pour vivre, jouir et partager. Ce festival a su garder un feeling bon enfant et convivial, populaire et festif, une atmosphère unique et sans prise de tête surjouée : on ne voit pas de mecs de l’orga courir les yeux dans le vide et l’esprit dans l’oreillette ; vous saisissez… Après deux groupes sans intérêt ( une excellente copie de Louise Attaque, ben oué ils jouent mieux qu’les mecs à qui ils ont tout piqué, et une pantalonnade punk qu’à pas le son : non, je ne cite pas de nom car demain ils seront peut être enfin bons) Soviet Suprem envahit la scène et balance un concept théâtre et musique, mélangeant le hip hop aux racines de l’est : les ex Java propulse le festif vers un scénario délirant et mine de rien sacrément technique et travaillé : j’adore et j’achète un tee-shirt pour porter leurs couleurs tout l’été !! Les Têtes Raides sont plus sages même s’ils ont mis beaucoup de rock dans leur style ; les titres phares au final ramènent à l’adhésion toutes les strates du public…. Sinsemilia fera l’unanimité au final avec une heure trente de « bonnes vibes, man » ! C’est beau Amboise la nuit au sortir de l’île d’Or ; t’as l’impression d’être dans un film…
Rayon Frais encore, pour un dimanche entièrement consacré à voir un maximum de spectacles : excellente Emmanuelle Lafon au Vinci pour un set écourté pour cause de grève des intermittents ; j’aime cette encyclopédie de la parole au service des combats… A la sortie Jacqueline & Marcel, la compagnie L’Art Osé propose une relecture  du médecin volant de Molière : c’est drôle, insolent, joué à la limite de la caricature et de l’hommage… A L’Opéra, la fascination du désastre est une écriture théâtrale jouée par des orfèvres en la pratique de la drôlerie au service du sens, de la dénonciation par l’image sans exclure la poésie omniprésente. Superbes décors, rires, pas une seconde d’ennui, habillage sonore envoûtant : un sans-faute pour Adell Node-Langlois, Estelle Beugin et Alexandre Demay..  Au Théâtre Olympia les danseurs sénégalais de L’École des Sables nous embarquent dans un trip un peu fou au fil rouge (l’interactivité cybernétique) régulièrement tranché par des références aux traditions ancestrales avec nombre de clins d’œil à l’accueil des migrants : à base de bassines colorées la mise en scène est à l’image de la chorégraphie : tonique, comique, festive et conviviale… En l’Esplanade du Château de Tours se tient le Chef d’œuvre d’Art ultime, la conjonction entre les pratiques, Le Jour du Grand Jour du Théâtre Dromesko, tant et tant élevé dans la qualité et l’humanité qu’il nous sera difficile après l’avoir vécu de goûter autre chose. Le spectacle global engendre l’impossibilité de vous le décrire sans minimiser son impact. Je me contente donc de vous affirmer le sentiment que ce gang d’humains talentueux est fortement nécessaire pour nous aider à vivre, pour relativiser nos angoisses, nos peines et nos joies ; en une heure et demi de surprises et de beauté , notre Condition Humaine nous est habilement exposée dans un univers aux possibles références subjectives allant de Tardi à Fellini, de Scolla à Burton, de Malaparte à Celine. Je n’ai jamais rien vu d’aussi bon : Ils sont forts les Bretons !!

Tags : Amboise Doc Pilot les courants rayon frais têtes raides

Catégories : News

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