Chemiakin : parcours d'artiste à Loches

Publié le 17-05-2017 08:05:29 Modifié le 05-04-2019 16:39:45 Par tmv

Il faut aller à Loches pour découvrir Chemiakin. L’artiste russe présente, dans six lieux différents de la ville, plusieurs aspects de son travail. Une découverte sensible et colorée, d’une oeuvre et d’un artiste profondément attachants.

Chemiakin s’habille en noir. Parce que la couleur, elle est dans ses œuvres baroques et foisonnantes quoique toujours teintées d’une pointe de désespérance slave. Chemiakin s’habille en tenue militaire. « Parce que dans les habits civils, il n’y a pas assez de poches. Il me faut des poches pour mettre mes calepins, mes appareils photos, tout ce que je ramasse. Et mes revolvers ! », ajoute-t-il en riant.

Chemiakin est fils de militaire. Son père était officier dans l’armée soviétique. Il est fils de comédienne aussi. « J’ai plusieurs influences… », résume t-il dans un sourire. De nombreuses influences, en effet et, surtout, un imaginaire inépuisable. Et, ils sont quelques-uns à le savoir, trop d’imagination, c’est embêtant quand on voit le jour à Moscou, en 1943.
Au lycée d’art de Léningrad où il entre en 1956, il ne pourra évidemment pas se fondre dans le moule du Réalisme soviétique et on le traitera de fou. Direction l’asile où l’on soigne les cas de son espèce, à l’époque. Onze ans plus tard, nullement guéri, il fonde le « le Groupe de Pétersbourg », basé sur l’étude de l’art religieux de différentes époques et de différentes cultures. Toujours pas dans la ligne… 

En 1971, il doit quitter son pays sous la pression gouvernementale. « À cause aussi, précise-t-il, de l’Intelligentia de l’époque qui s’est comportée de façon vraiment dégueulasse (en français dans le texte, NDLR) ». En exil, certains artistes de sa génération se diluent dans la culture occidentale. Pas lui. Lui continue à tracer son sillon, à travailler. Il peint, il sculpte, il photographie, il dessine, il taille… Des milliers d’oeuvres, de toutes sortes. Après dix ans passés à Paris, il traverse l’Atlantique et plonge dans le bouillonnement new-yorkais. Il devient une figure de la dissidence russe. Il expose partout, dans le monde entier.
« J’ai dû faire plusieurs fois le tour du monde, mais je ne connais pas tous ces pays », s’amuse t-il. Il devra attendre 18 ans, en 1989, pour revoir la terre de sa jeunesse. Dans la Glasnost de Gorbachev, une vaste rétrospective lui est consacrée à Moscou. Il fait le voyage, mais il est Américain, maintenant…

Puis, en 2007, Chemiakin renoue avec la France et se pose dans ce Lochois qu’il aime tant. Lui et sa femme Sarah possèdent une propriété dans la cité médiévale. Ils rêvent qu’un jour, le lieu accueillera un Centre d’art contemporain. En attendant, Chemiakin tient sous son aile protectrice une demi-douzaine d’étudiants russes venus de l’université de Saint-Pétersbourg, de petites pousses d’artistes qu’il couve paternellement.

Devant les Caravage de Loches, il se penche avec eux sur le drapé de la robe de Marie. « Regardez ce bleu, avec la lumière qui se pose sur le tissus, il prend des teintes très différentes. Nous travaillerons demain avec du noir et uniquement du noir. Il faut que vous gardiez en tête ce que vous voyez là… » Chemiakin est un passeur aujourd’hui. Un passeur d’humanité qui se protège sous des habits noirs et des treillis militaires.
Dans une rue de Loches, sur un trottoir, il devine une forme, un caillou, une feuille, invisible de nous. Il la prend en photo, du haut de sa stature courbée. Il verra demain, un autre jour, chez lui, si un trésor s’y cache. Si cet instant d’éphémère a, comme il le préssent, quelque chose à nous dire, qu’il pourrait nous révéler.

> Chemiakin se met en scène à Loches, jusqu’au 5 novembre 2017. 

Tags : art artiste chemiakin culture interview loches portrait rencontre russe russie

Catégories : Culture News

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